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Engagez-vous, qu’ils disaient…

Nous nous sommes tous engagés un jour ou l’autre dans quelque chose : un club de foot, de marche, de sport, un groupe de soutien et d’écoute, une chorale, un syndicat d’initiative, un groupe « nature », un groupement de producteurs, etc. Certains s’engagent en politique, d’autres à l’armée, en religion, à la Croix-Rouge, à MSF… Il existe mille et une façons de s’engager. Nous-mêmes, agriculteurs, sommes de grands « engagés » dans la multitude de responsabilités qui touchent à notre profession. Et justement, avec le printemps revient l’incontournable et redoutable déclaration de superficie PAC, dans laquelle nous nous engageons à respecter pas mal de normes et règlements !

Temps de lecture : 5 min

En fin d’année 2022, ce sera pire, quand arrivera la nouvelle PAC reverdie au Green Deal et au Farm to Fork, au « Pacte Vert » et à « de la ferme à fourchette » ! Les grandes lignes pratico-pratiques de la réforme commencent à se dessiner, en vert profond pas piqué des vers. Pour remplir la future déclaration 2023, il faudra sortir sa calculette et réviser ses mathématiques, ses équations à plusieurs inconnues et ses produits remarquables, afin de prendre les bons engagements et d’atténuer la baisse générale des aides agricoles. Un fermier averti en vaut deux, j’espère !

Sans doute, -ou plutôt peut-être ou si peu –, avez-vous suivi dans la presse agricole la longue saga de la réforme actuelle de la PAC. Lire ce genre d’articles est redondant et rebutant à la longue, pas très rigolo, et les fermiers ont des tas d’autres soucis en tête. Chacun est plongé jusqu’au cou dans ses propres problèmes quotidiens, et mesure mal l’importance des tractations européennes et régionales, de tout ce qui dépasse les limites de ses terres et de ses étables. L’agneau avant Pâques et la dinde avant Noël ignorent ce qui les attend et ne se renseignent pas sur la sauce à laquelle ils seront mangés. Et pourtant, ils devraient… Et pourtant, nous devrions ! C’est pourquoi au plus vite, dès ce mois de mars, il serait réellement opportun d’objectiver les changements qui nous attendent au niveau des aides agricoles. Il sera impératif de bien comprendre et de saisir la teneur des futurs engagements pour la période 2023-2027, cinq années qui pourraient bien modifier notre manière de concevoir notre métier !

Vous l’avez lu dans le Sillon, le Gouvernement Wallon a renvoyé en janvier la copie de ses propositions concrètes à l’Europe. En principe, ces propositions seront acceptées, sauf quelques ajustements. Ils déboucheront sans doute en septembre -Willy Borsus aimerait avant la Foire de Libramont…- sur une réglementation gravée dans le schiste wallon, et détermineront une toute autre manière de répartir les aides dès 2023. Il est fort probable que la prochaine déclaration de superficie sera demandée avant le 31 décembre, affirme la FUGEA. Celle-ci tourne déjà dans les campagnes, afin d’expliquer une nouvelle PAC fort complexe qu’il faudra ruminer longuement pour la rendre un tant soit peu digeste.

En gros, quatre grands principes vont intervenir : (1) lissage en tunnel des Droits de Base (DB), (2) le verdissement rentre dans les BCAE -il n’est donc plus rémunéré –, (3) mise en place d’« Éco-Régimes » -nécessaires si on veut récupérer la perte du verdissement –, (4) MAEC sur base volontaire comme auparavant. Pour les DB, les contraignantes BCAE -Bonnes Conditions Agricoles et Environnementales- montent en puissance ; elles imposent entre autres et par exemple, les fameuses ZNP (Zones Non Productives) qui devront couvrir l’équivalent de 4 % de la SAU déclarée. Oups ! Les haies vives, les bosquets, les mares, les jachères, auront chacun un coefficient qui se traduira en une surface de ZNP. C’est drôle et tragique : dans nos déclarations précédentes, l’administration supprimait sur la carte les petits coins incultes, boisés, embroussaillés ; les récupérerons-nous pour justifier ces 4 % de ZNP ?

Les Éco-Régimes (ER) feront donc leur joyeuse entrée dans une joyeuse pagaille en fin d’année ! Il sera bien nécessaire de s’y engager, si l’on veut récupérer ce que le verdissement nous donnait jusqu’à présent. Et là, de toute évidence, les régions herbagères et plus extensives seront clairement à la pointe du combat, avantagées entre autres par les primes au maillage écologique, à la couverture des sols. Les cultures favorables à l’environnement conviendront aux terroirs de grande culture, mais ceux-ci disposeront par ailleurs de moins d’ER à activer, de toute évidence. Bonne nouvelle pour l’Ardenne, les Indemnités aux Zones à Contraintes Naturelles (régions défavorisées) seront conservées, selon la FUGEA.

30,3 % de l’enveloppe des aides directes seront consacrés aux droits de base, 19,5 % au payement redistributif, 26 % aux ER (éco-régimes), 21,3 % aux aides couplées, 2,9 % aux jeunes. Les aides couplées repartent pour un tour de piste, avec divers aménagements pour les vaches allaitantes. Les références historiques disparaissent ; trois chiffres sont calculés -nombre de vêlages multiplié par 1,33, nombre de bovins femelles âgées de 18 à 120 mois, nombre de veaux élevés multiplié par 3. Le chiffre le plus bas parmi ces trois nombres sera repris pour le calcul de l’aide (max 178 €/unité), avec un maximum de 145 primes par unité de travail. Dans le second pilier, le Bio disposera d’un montant de 7 % supérieur, afin d’encourager les conversions et arriver à ces fameux 30 % d’agriculture biologique en région wallonne.

Voici en vrac seulement quelques-unes des nouveautés, parmi les nombreux changements mis en chantier par cette réforme. Notez bien, last but not least, que le permis d’environnement pour chaque exploitation risque fort d’être exigé par l’Europe dans un futur pas si lointain. Qui vivra verra… Engagez-vous, qu’ils disaient ; engagez-vous, qu’ils diront ! Mais auparavant, renseignons-nous et surtout, réfléchissons sérieusement pour bien comprendre tout ce « bazar » !

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