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Foulard ou chiffon rouge: acte 2

En région flamande, le bras de fer semble se poursuivre entre les agriculteurs et les environnementalistes. Foulard rouge de solidarité pour les uns, tour de vis supplémentaire aux réglementations pour les autres, un récent fait d’armes « juridico-médiatique » vient de l’illustrer.

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Une cinquantaine d’agriculteurs se sont rassemblés dans la région de Turnhout sur une parcelle de Natuurpunt (le pendant flamand de Natagora) en amenant avec eux police et huissier.

Ils expliquent : « Normalement, l’azote doit être stocké sur des surfaces pavées afin d’éviter une contamination ponctuelle. Dans ce cas, on retrouve des « big-bags » d’azote sur le terrain et plusieurs sacs sont déchirés. Si les agriculteurs commettent de telles infractions, ils perdent une partie de leurs primes et sont également condamnés à une amende. Cela s’appliquera-t-il aussi à Natuurpunt ? »

En fait, il s’agirait d’engrais destinés à des expérimentations sur l’impasse en phosphore en milieu naturel. Il n’est pas permis aux agriculteurs d’en apporter dans cette zone, mais pour les besoins de ces essais (menés avec l’université de Gand, dans le cadre d’un projet européen), des engrais azotés et potassiques sont épandus afin d’assurer un bon développement des graminées censées extraire un phosphore moins disponible du sol.

Bref, pas de quoi fouetter un chat mais des engrais chimiques dans une parcelle de réserve naturelle, cela fait mauvais genre. Si, en plus, il y a des pertes par déchirure, un stockage non conforme, il y a « comme un air d’arroseur arrosé ».

Et puis, dépenser de l’argent pour redécouvrir le rôle du phosphore dans le sol, c’est un peu comme réinventer l’eau tiède. Du B.A.BA pour les agronomes classiques. Un monde nouveau pour ceux qui s’en sont fort écartés. La ministre flamande de l’Environnement, Zuhal Demir, doit défendre cet investissement, un comble pour la NVA qui considère que seule la gauche wallonne jette l’argent par les fenêtres. Encore un petit air d’arroseur arrosé.

Au passage, un rapide coup d’œil sur l’étiquette de cet engrais de mélange (60 % de nitrate d’ammoniaque et 40 % de sulfate de potassium) ferait sourciller un contrôleur de l’Afsca. Les formes d’azote ne sont pas détaillées, la solubilité du magnésium interpelle et la teneur en soufre est mal orthographiée. De nouveau, pas de quoi en faire un fromage mais cela sent l’amateurisme.

Par contre, ce qui s’avère plus délicat, c’est à la fois le risque de destruction d’emplois agricoles dans ce secteur et la tension avec les plus radicaux des écologistes. Greenpeace avait innové en interpellant l’opinion par des coups d’éclat médiatiques illégaux. Ici, les agriculteurs restent dans la légalité mais veulent prendre l’opinion à témoin des contraintes qui les étouffent.

Évidemment, dans toute population ou groupe social, il y a des extrêmes. Ainsi, les sociologues établissent des graphiques en cloche, que l’on appelle courbe de Gauss. La majorité se répartit autour de la moyenne. Il y a toujours une minorité de 5 à 10 % de chaque côté.

Chez les agriculteurs, les pratiques sont en majorité raisonnées et raisonnables. D’un côté de la courbe, 5 à 10 % (voire plus si les primes sont à l’avenant) visent une agriculture la plus naturelle possible qu’on labélise en bio. Et de l’autre côté de la courbe, il y aura toujours des irresponsables prêts à tout pour faire de l’argent.

Chez les écologistes, c’est pareil. La plupart des gens souhaitent des produits de leur terroir, locaux et de saison, ayant du goût et à des prix raisonnables. À droite de la courbe, certains utilisent le « greenwashing » (laver plus vert que vert) pour faire du pognon à bon compte. Et à gauche de la courbe, c’est « l’agri-bashing » qui est de mise. On cogne sur l’agriculture pour exister. Fort heureusement, ces intégristes, souvent poilus, chevelus et barbus, n’ont jusqu’à présent tué personne.

Puissent les gens de bon sens retrouver la confiance. Les consommateurs en ont besoin et les agriculteurs ne demandent que cela.

JMP

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