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C’est quoi, C3, C4, c’est tout vert?

L’autre jour, je parcourrais l’immense centre commercial de Mons, dénommé « Les Grands Prés ». Mon esprit mal tourné ne m’a pas empêché de penser « Quel drôle de nom pour ces hectares qu’on a vu bétonner en quelques dizaines d’années… ». Il n’y a plus un brin d’herbe à des kilomètres à la ronde. Rien que des parkings, des galeries couvertes et chauffées (ou refroidies selon les saisons), illuminées non-stop. Un temple du consumérisme où tous les grands noms du marketing international sont rassemblés.

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Au milieu de tout cela, une bouée écologique, de la petite restauration Exki, avec un panneau : « Bonjour, on est tout vert » pour inviter le passant à entrer. J’apprécie le clin d’œil.

Bien sûr, « C… dans l’air » de mettre du vert dans tout aujourd’hui. Nos grands acteurs, les politiciens, font des incantations verdoyantes dans tous leurs discours. Le « greenwashing » est devenu la colonne vertébrale des publicistes. C’est un peu comme la culture et la confiture (moins on en a, plus on l’étale). Autrement dit, plus on pollue en grillant du CO2, plus on fait mine de s’en inquiéter. Il s’agit juste d’habiller le bébé : une « nouvelle » voiture électrique se fait passer pour plus « durable » qu’une vieille qui se conserve. En prime, l’état leur colle beaucoup moins d’impôts. C’est ainsi.

Alors, c’est quoi C3, C4, C5… ? Pour les amateurs de voitures, c’est bien sûr le symbole de Citroën. Pour les agriculteurs, « C » est le symbole chimique du carbone que leurs cultures fixent par photosynthèse. Dès que la nature s’en mêle, le C du gaz carbonique (CO2) devient organique dans les plantes, donc biologique puisque lié à la vie.

En fait, deux activités réduisent le CO2 dans l’atmosphère : l’agriculture (à court terme, un an ou deux) et la sylviculture (à plus long terme : quelques décennies, voire quelques siècles)

Je continue mon périple dans ce centre commercial montois. J’entre chez A.S. Adventure. Au moment de payer, je lis ce panneau : par l’achat d’un sac d’1€, je fixe indirectement 0,93 t de CO2.

Sachant que le belge moyen émet l’équivalent de 8 tonnes de CO2 par an, J’interroge la vendeuse pour m’expliquer comment, avec 1€, je peux siphonner 0,93 t de CO2  ? Autrement dit, avec 10 €, mon bilan carbone deviendrait négatif ! Or, 10 €, c’est la moitié du coût d’une vaccination Covid chez Pfizer payée par l’Union européenne. Une paille !

Mieux : avec les 100 millions d’euros que la Région wallonne va mettre dans Legoland sur le site de Caterpillar à Charleroi, il y aurait matière à offrir la neutralité carbone à tous les Belges. Merveilleux ! On est vraiment dans la Sainte Alliance entre le politique, le marketing et l’idéologisme.

La vendeuse m’a pris pour un Martien, tombé d’une autre planète… Évidemment. Je n’ai pas essayé de tout lui expliquer mais pour les lecteurs du Sillon, voici le raisonnement : la forêt tropicale fixerait 25 t de matières sèches par ha et par an (Aux origines des plantes – Hallé & Lieutaghi- Fayard 2001). Nos forêts tempérées un peu moins : 15 t (2/3 en aérien, 1/3 en racinaire).

29 m², c’est 0,29 are, soit 0,0029 ha. La forêt tropicale fabriquerait sur cette surface 72 kg de matières sèches et, pour ce faire, capterait en gros 100 kg de CO2. (Il faut 1,5 t de CO2 pour faire 1 t de M.S). Autrement dit, 1/10 de ce que les publicistes annoncent. La belle affaire, à part vous et moi, personne n’est au courant.

C’est l’occasion de préciser ce que sont les plantes en C3 et C4. La plupart des plantes ont une photosynthèse en C3 : elles fixent 3 atomes de carbone en fabriquant une première molécule organique dans les feuilles.

Les plantes en C4 fixent 4 atomes de carbone à la fois lors de la photosynthèse. Ce sont des plantes d’origine tropicales. Elles sont aussi plus économes en eau quand il fait chaud. À 30º, elles consomment trois fois moins d’eau que la plupart des plantes en C3 pour fabriquer leur matière sèche. Nous en connaissons deux : le maïs et le miscanthus. Ces plantes en C4 représentent 3 % des espèces connues (dont le mil, le sorgho et la canne à sucre) mais fixeraient 30 % du carbone atmosphérique (Wikipédia).

Paradoxalement, on entend souvent dire que le maïs consomme beaucoup d’eau. Pourquoi ? Parce que les touristes, descendant dans le sud de la France, aperçoivent de leur voiture, de l’irrigation par aspersion sur cette culture. En fait, s’ils descendaient de leur voiture, prenaient une bêche, ils se rendraient compte que l’enracinement du maïs est fasciculé. En clair, il explore très bien la couche arable mais ne pivote pas en profondeur. Même s’il est économe en eau, quand il n’y en a plus, il sèche sur pied. Cette année nous en offre une spectaculaire démonstration.

Moralité : à tous ceux qui critiquent le maïs au nom de la désinformation par incompétence, il faudrait leur remettre un « C4 » comme disent les syndicalistes quand on perd son emploi. Ils ont simplement tout faux sur le plan scientifique.

JMP

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