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Le sucre de Seneffe ne sera pas de trop quoi qu’on en dise!

J’ai lu avec intérêts dans l’Echo du 12 octobre un article intitulé « Dernière ligne droite pour la sucrerie de Seneffe ». Ancien cadre supérieur de l’industrie sucrière belge, je reste sensible à tous les remous qui entourent la réforme européenne et la disparition des quotas et je reste très informé de toutes les péripéties qui animent le secteur depuis fin 2017.

Temps de lecture : 4 min

J’ai compris qu’un projet de nouvelle sucrerie à Seneffe bousculait le microcosme européen car le projet innove avec son concept « planteurs-Industriels » sous forme d’une vraie coopérative de planteurs 100 % responsables œuvrant dans une usine ultra-performante. En creusant un peu, j’ai compris que l’obstruction principale du lobby en place résidait dans un constat largement répandu :

– Il y a trop de sucre en Europe,

– La consommation européenne régresse,

– Les prix mondiaux ne sont pas compétitifs.

J’ai aussi compris que le projet Seneffe devait encore boucler son montage financier et récolter d’ici fin octobre quelque 18 millions auprès des planteurs soit 360.000 tonnes de betteraves supplémentaires pour atteindre les objectifs de son Business plan.

18 millions, c’est seulement 5,5 % de l’investissement total mais, sans cet apport de 18 millions et les emblavements qui l’accompagnent, le projet sera abandonné car il n’y aura pas de quatrième souscription et la construction de l’usine doit commencer début 2020.

Pensant que peu d’agriculteurs lisaient l’Echo de la bourse, j’ai consulté le journal « Le betteravier » de la semaine dernière mais je n’ai rien trouvé à propos du projet Seneffe.

Par curiosité intellectuelle, j’ai donc creusé un peu le sujet :

1) Y a-t-il trop de sucre en Europe ?

Certes, en 2017/2018, la campagne fut pléthorique et les prix du sucre ont dû s’adapter aux prix mondiaux historiquement très bas. Mais en 2018/2019, la production européenne a été fortement réduite suite à une baisse des rendements. Malheureusement, les stocks élevés ont maintenus les prix très bas.

2) La consommation européenne régresse-t-elle ?

Selon les chiffres de la Commission européenne, les livraisons intérieures se stabilisent ces 3 dernières années entre 17,5 MT et 17,7 MT. Certes, le sucre n’a pas bonne presse et la consommation de bouche est en forte baisse mais les usages industriels sont en croissance et se diversifient de plus en plus. On a, en outre, la chance d’avoir une industrie alimentaire européenne très performante à l’exportation.

3) Pourquoi les prix européens devraient-ils se calquer sur les prix mondiaux ?

Il faut savoir que la production mondiale se commercialise comme suit :

– Auto suffisance des pays producteurs = 72 % (le sucre est consommé là où il est produit)

– Marchés préférentiels = 7 % (accords bilatéraux)

– Marché mondial = 21 % (échanges internationaux)

Clairement, à peine 1/5 de la production mondiale se négocie sur base des cours de Bourses de New York et Londres. Malheureusement, comme toutes les bourses, les spéculateurs jouent un grand rôle dans la fixation des prix.

Le Marché mondial est un marché d’excédents et ne peut être une référence fiable pour les échanges intracommunautaires.

4) Quelle est la situation pour 2019/2020 ?

L’Europe débute la campagne avec des stocks au plus bas (voir le betteravier Belge). L’UE sera importatrice nette cette année et il n’y a aucune raison que les prix européens restent en-dessous des seuils de rentabilité des producteurs qui affichent tous des difficultés financières.

5) Quel est le futur après 2020 ?

– Vu les restructurations industrielles programmées par les grands groupes européens,

– Vu les aléas climatiques qui semblent devenir récurrents,

– Vu les baisses de rendements inhérentes aux restrictions sur les produits Phytos. Il semble raisonnable de penser que l’Europe aura besoin d’emblavements SUPPLÉMENTAIRES pour subvenir à ses propres besoins et ceux-ci doivent être envisagés dans les régions les plus propices à la culture de la betterave. (Pour rappel, la Belgique a réduit ses surfaces betteravières de 40 % entre 2006 et 2017)

En conclusion, je pense que le projet Seneffe ne porte pas préjudice à l’industrie sucrière européenne en place et mériterait un soutien unanime du monde agricole compte tenu de l’originalité du projet.

Les planteurs wallons ont rendez-vous avec l’Histoire ! Gageons qu’ils sauront saisir la chance de prendre en mains leur propre avenir et que la souscription en-cours jusque fin octobre rencontrera un franc succès.

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