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Salade de bruits, jolie, jolie…

Nous vivons dans un monde très bruyant, très bavard, où des centaines de messages nous assaillent en continu, tantôt ronronnant, tantôt stridents. Ils nous lassent et nous agacent, nous tracassent voire nous fracassent, s’entrelacent et puis s’effacent, renouvelés en un flux perpétuel d’informations et de déclarations. Impossible d’y échapper, à moins de vivre coupé de tout, les yeux fermés et les mains plaquées sur les oreilles ! Ce Grand Silence nous rendrait fous, de toute façon, tant ce besoin de savoir et de comprendre est insatiable chez les êtres humains !

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Avec les nouvelles technologies de communication, nous sommes servis ! Sur la toile Internet, on trouve tout et n’importe quoi : c’est le paradis des hyperconnectés, l’enfer des crédules, le purgatoire des curieux. De leur côté, les médias classiques jouent à tout va sur les cordes sensibles : le sensationnalisme, la peur, la sécurité, la santé, la séduction, la culture, l’érotisme, l’humour… Les messages délivrés par ces canaux d’information partent dans tous les sens ; ils se percutent, parfois se neutralisent ou se montent en épingles, se mélangent en une salade de bruits où chacun peut puiser ce qui lui convient, mais aussi ce qui ne lui convient pas du tout. Vérités et mensonges affichent les mêmes visages aguichants, et s’amalgament les unes dans les autres, sans qu’il soit possible de les dissocier.

Salade de bruits, jolie, jolie : tu plais et prospères, malgré tes impairs ; tu plais et nous perds, nous et tous nos pairs. Il faudra bien pourtant qu’un jour, tu nous souries… Car l’agriculture macère dans une macédoine peu alléchante ! On colporte sur son compte des bruits les plus farfelus et invraisemblables, par ignorance ou malveillance : à propos de ses pesticides, de ses ravages sur la biosphère, de ses émissions de GES, des conditions d’élevage, des méfaits de la viande ; à propos du coût de la politique agricole commune européenne, de l’importance des aides et de leur répartition…

Au sujet de la PAC, justement, quelques bruits d’importance ont percuté nos oreilles attentives, lors de la réunion du 25 avril au LEC à Libramont, de la part de quelqu’un qui, nous l’espérons tous, est censé s’y connaître et ne pas raconter des salades : notre ministre régional de l’agriculture René Collin. Ainsi, en ce qui concerne la PAC, il a cité quelques chiffres édifiants : elle coûte à peine 120 €/an/citoyen européen, ce qui représente à peine 0,4 % du PIB de l’UE. 35 centimes d’euro par jour par Européen, pour protéger un secteur aussi vital, aussi stratégique que l’agriculture, laquelle assure la fourniture en matières premières alimentaires et gère une large portion des territoires !

Par comparaison, combien coûte à l’utilisateur un « bête » abonnement GSM, le must absolu dans notre société folle de communications ? Le « pack » minimum se situe vers 15 €/mois, ou 50 centimes/jour, contre seulement 35 c/jour pour la PAC ! En pratique, les gens ne rechignent aucunement à payer jusque 2-3 €/jour pour bénéficier d’un forfait avec 4G et tutti quanti. Et c’est de l’argent perdu, tandis que la PAC assure aux consommateurs une nourriture à volonté, de qualité et fort bon marché ! Il est utile ici d’amplifier un bruit mis trop souvent en sourdine : dans le panier du consommateur, la part de l’alimentation est inférieure à la fraction affectée aux transports. La bagnole et les déplacements vous bouffent plus de sous que votre pain quotidien. C’est ahurissant !

Cette salade de bruits est bien agréable à déguster, jolie, jolie : question nourriture, tout va bien du côté des consommateurs, merci pour eux ! Mais en ce qui concerne les agriculteurs, la macédoine est beaucoup plus amère, et on aimerait connaître ses nouveaux ingrédients, ajoutés bientôt dans le grand saladier de la future PAC post-2020… Lors de la soirée du 25 avril à Libramont, le ministre Collin s’est montré prudent, pour tenter d’en esquisser les prochaines lignes de force. Selon ses dires, les bruits des couloirs de l’UE n’annoncent pas de changements fondamentaux. Le système actuel d’aides agricoles devrait subir peu de bouleversements. Les aides directes (moyenne de 386 €/ha en Wallonie en 2020) devraient peu évoluer. Seules quelques adaptations mineures dans leur répartition auront lieu, éventuellement, par exemple pour aider les jeunes agriculteurs, ou encore pour décourager les « papys » égoïstes à conserver des hectares primés. La part « verdissement » sera, -peut-être ? –, reversée dans la conditionnalité aux primes. Les aides directes couplées pourraient être prorogées, mais dans ce cas précis, le ministre a semblé beaucoup plus hésitant…

Ce ne sont là que spéculations, que bruissements diffus, qui s’envoleront sans doute demain au vent des décisions politiques… Car tout peut changer très vite, si par exemple les gars de la Marine prennent le pouvoir en France et fricassent pour l’Europe un Frexit !

Celui qui vivra verra, et découvrira la composition de la salade PAC post-2020 ! Salade de bruits, seras-tu jolie, jolie, jolie ?

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