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Les vampires des labos

Bon sang de bonsoir ! Je croyais la brucellose éradiquée, disparue, devenue un lointain et très mauvais souvenir. Apparemment, ce n’est pas le cas, puisque des collectes de sang sont organisées ces jours-ci pour rechercher les terribles bactéries, dans certains élevages bovins. Les labos d’analyse tournent à plein régime, si l’on y ajoute les dépistages IBR et BVD, les recherches des tares génétiques, etc, etc, etc !

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Pour sûr, nos bovins sont sang pour sang sous contrôle ! Et le dessous de leur queue est troué comme une pelote d’épingle. Entre vêlages et visites, les vétérinaires ne savent plus où donner de la seringue pour mener à bien leurs missions prophylactiques… « Vétés-moustiques : les vétos qui piquent juste où il faut ! ». Les vampires en blouses blanches des labos sont assoiffés de sang frais à analyser, de pathologies-moulins à vent à combattre pour justifier leur existence. Cela ne finira jamais : leur fond de commerce est infini, il y a tant et tant de choses à rechercher dans le sang, tant et tant de maladies à traquer et pourfendre !

Les draculas sympas des laboratoires ne manquent certes pas d’imagination, quand il s’agit de mettre sur pied leurs protocoles de recherches à grandes échelles, soutenus par les agences sanitaires et les pôles de santé publique et animale. « Allons, soyons fous, se disent-ils. On va s’inventer une nouvelle directive, y coller un calendrier, fixer des normes à respecter, placer quelques chausse-trappes où s’empaleront ces benêts de cultos… ».

Ces plans de lutte les comblent d’aise et nous accablent, pour quels résultats ? Dans les années 1970 et 80, la stratégie d’éradication de la brucellose a provoqué moult et moult drames humains. Le sang a coulé à flots dans un grand nombre de fermes, et pas seulement dans les tubes à essai des vétérinaires-ponctionneurs… Les vampires des labos ont-ils vu perler les larmes de sang dans les yeux des éleveurs ruinés ?

Chaque année voyait « refleurir » une campagne de prises de sang. Dès la réception de la lettre d’injonction, branle-bas de combat à la ferme ! Le stress grimpait d’un coup au niveau quatre : « menace de crise grave, sérieuse et imminente ». Ça va saigner ! L’anxiété réveillait les ulcères à l’estomac, les tambours cardiaques battaient la chamade au grand galop, les nuits se peuplaient d’insomnies échevelées. Puis venait le jour J, avec un vétérinaire pressé qui vous houspillait et rangeait à la va-vite ses tubes sanguinolents dans des boîtes en carton. Ensuite, c’était l’attente des résultats, interminable, détestable, pendant laquelle on imaginait les pires scénarios. En point d’orgue dramatique, arrivait le bilan tant redouté, dans une enveloppe rectangulaire frappée du sigle du labo, que l’on ouvrait de ses gros doigts gourds et fébriles… Et là : soulagement… ou désolation ; larmes abondantes de l’épouse : de joie ou de désespoir.

Et puis un beau jour, dans les années 1990, ô miracle, tout s’est arrêté ! Joséphine Ange Gardien a semble-t-il claqué des doigts. Le grand carrousel morbide et mortifère des analyses de sang a cessé de tourner. La brucellose avait disparu, comme par enchantement, faute d’argent public sans doute pour payer toutes ces folies. Pour quels résultats, je le répète ? Un immense gâchis : des dizaines de suicides, des centaines d’exploitations ruinées, un traumatisme qui hantera nos mémoires à jamais.

Et puis, un monstre est venu chasser l’autre : l’ESB a très vite remplacé la brucellose dans le rôle de la Maladie à combattre, à coup d’analyses de cervelles. Petit prion vicieux, il nous a bien eus ! La vache folle fut mise à l’asile pour de bon une quinzaine d’années plus tard, après d’innombrables et très coûteuses investigations. Puis nos labos ont puisé dans leur boîte à malices d’autres maladies à éradiquer, pour se trouver du sang frais, des bouts d’oreilles à analyser. Ils avaient l’embarras du choix… Il y eut l’IBR et ses statuts : I1, I2, I3, I4, Hi Han ! Puis vint le BVD et sa traque des veaux IPI, via les boucles d’identification à biopsie.

Là, j’ai applaudi leur trouvaille. Quelle imagination fertile ! Ils me surprennent à chaque fois, quand ils entament un plan de lutte. L’an dernier, on nous fit vacciner à grande échelle contre la langue bleue, maladie fantôme dans nos régions. Cette année, -coucou, le revoilou ! –, rejaillit le spectre terrifiant de la brucellose. D’autres ectoplasmes sont gardés précieusement en réserve, et attendent leur tour : para-tuberculose, néosporose, gale bovine, etc, etc.

Mais pour quels résultats ? Des frais sans fin, des formalités administratives, des chipoteries puériles, du temps gaspillé, et surtout des tracas, du stress inutile, des souffrances gratuites infligées aux éleveurs. De toute évidence, les vampires des labos adorent nous entendre gémir, nous torturer à petit feu, nous faire pleurer encre, sang et eau.

Pardonnez-leur, mon dieu, ils ne savent pas ce qu’ils font…

Marc Assin

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