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Petits biquets…

Chatons, chiots, agneaux, veaux, poulains, poussins, canetons… : les animaux nouveaux nés nous attendrissent et donnent envie de les choyer, de les protéger. C’est plus fort que nous. Personne, à moins d’être psychopathe ou lobotomisé du cerveau, ne songerait à leur vouloir le moindre mal. Et pourtant… J’ai découvert l’impensable, dans la lecture d’un article consacré à un élevage industriel de chèvres laitières. Dès leur naissance, les chevreaux sont tués pour des raisons purement économiques, ou plutôt « sacrifiés », « euthanasiés », pour reprendre les euphémismes utilisés par le journaliste agricole. Seules les chevrettes sont conservées. Aïe, aïe ! Qu’en penseraient les enfants qui visitent les fermes pédagogiques enchantées, et prennent grand plaisir à caresser les petits biquets ?

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Grands yeux écartés, faces aplaties, mâchoires peu développées, fronts bombés, pelages très doux, les jeunes animaux expriment toute leur innocence dans leur apparence, tout leur caractère inoffensif. Ils déclenchent l’instinct de protection, l’envie irrépressible de les nourrir, de les soigner. C’est inscrit quelque part dans notre cerveau archaïque, parmi les mécanismes de survie des espèces. Cet instinct « maternel » envers les bébés animaux a sans doute joué un rôle important dans la domestication des moutons, des chiens (loups), des bovins et chevaux. Nos ancêtres paysans ont adopté des jeunes séparés de leurs mères, et s’y sont attachés, fort probablement. Des liens d’affection se sont noués des deux côtés, et la domestication a pris, au fil des siècles, les proportions que l’on connaît aujourd’hui.

Dans les exploitations agricoles, les naissances représentent une étape cruciale dans le processus d’élevage. C’est toujours triste de perdre un veau, un agneau, un poulain, du point de vue affectif, sans compter la perte économique. Alors, quand il faut euthanasier un veau IPI, ou malformé, c’est à chaque fois un crève-cœur. Un véritable agriculteur aime ses animaux, et particulièrement les plus jeunes, tellement gais à soigner, tellement agréables à choyer. Tuer un animal adulte pour le manger est dans l’ordre des choses, et déclenche très peu de remords. Tandis que tuer un jeune nouveau-né est tout bonnement incroyable, consternant, inimaginable… Pourtant, je ne jette en aucune manière la pierre au chevrier. Sans doute n’a-t-il guère le choix, financièrement parlant ? Qui n’a jamais sacrifié des chatons ou des chiots en surnombre, aux temps jadis, avant que la stérilisation des chiens et chats ne devienne une pratique courante ?

Dans quelle agriculture vivons-nous, où semblable cauchemar devient un acte banal, purement technique, afin d’optimiser sa rentabilité ? Comment peut-on tuer un petit biquet, tellement mignon ? Un petit agneau ? Un petit cochon (ou un petit marcassin) ? J’en tremble de dépit.

Personnellement, cela me dépasse, et les mots me manquent pour exprimer mon ressentiment. Et si cela se savait ? Et si un jour, le scandale des biquets tués éclatait au grand jour ? Je n’ose y penser…

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