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Chair de poule…

Deux poules et un coq : mon vétérinaire m’a confié ces trois réfugiés, rescapés d’un massacre perpétré par Maître Goupil dans son poulailler. Reconnaissantes de les avoir sauvées, les deux poules nous offrent chaque jour un œuf ou deux, et le petit coq chante à tue-tête chaque matin sa joie d’être encore en vie. Ils ne connaissent pas leur chance, car des millions d’autres poules, moins favorisées par le destin, vivent des heures beaucoup plus sombres dans leurs poulaillers géants, au prise avec un renard fripon infiniment plus menaçant : Maître Fipronil, avatar de l’agro-industrie et de la chimie pharmaceutique. J’en ai la chair de poule !

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Nous non plus, nous ne mesurons pas notre chance, de pouvoir chez nous produire et consommer nos propres œufs, les pommes de terre et légumes de notre jardin, les fruits de notre verger… Le scandale des œufs au Fipronil nous fait prendre conscience, une fois de plus, à quel point notre agriculture utilise toutes sortes de molécules artificielles dont nous ignorons la toxicité : le problème se situe là, et ne réside pas tant dans les dysfonctionnements de la filière de surveillance sanitaire. Les émissions télé et les articles de presse se multiplient, qui dénoncent le recours systématique aux insecticides, fongicides, herbicides et autres mots en « cide » qui n’inspirent rien de bon. Comment en est-on arrivé là ? J’en ai la chair de poule !

Autrefois, les paysans cultivaient la terre et élevaient des animaux, en premier lieu pour leur propre consommation. Ils buvaient le lait de leurs vaches, mangeaient les œufs de leurs poules, les jambons de leur cochon, leurs pommes de terre et légumes. Le surplus était vendu, et le plus souvent, ils commercialisaient le meilleur de leur production, et se contentaient du moins bon. Cette manière de travailler offrait une réelle garantie de qualité. Pas besoin d’Afsca, à cette époque ! Puis tout a dérapé avec l’apparition de la grande agriculture, la mise en place d’élevages concentrationnaires, la spécialisation à outrance des exploitations agricoles, des cultures industrielles… avec en corollaire un véritable génocide paysan. J’en ai la chair de poule !

La tâche respectable, noble et délicate, de produire des aliments mérite d’être confiée à des gens compétents, aux valeurs humaines avérées, aux savoirs ancestraux susceptibles d’éviter l’emploi de toutes ces substances suspectes. Mais aujourd’hui, cette lourde responsabilité a été mise dans les mains de gens irresponsables, de politiciens manipulateurs et égoïstes, de technocrates insensibles et coupés des réalités agricoles, de scientifiques cartésiens et cyniques, et surtout de financiers prédateurs et avides qui calculent tout en fonction de la rentabilité. J’en ai la chair de poule !

Je ne suis en rien un adepte de la religion écolo intégriste, mais tout simplement un père de famille qui craint pour ses enfants et ses petits-enfants. Les cancers se multiplient autour de moi ; je vois souffrir, et parfois mourir à petit feu des personnes encore jeunes. Pourquoi ? Est-ce dû à l’alimentation, à la pollution, à notre mode de vie sédentaire, à toutes ces molécules chimiques qui se baladent dans l’environnement et s’y accumulent depuis des décennies ? Je me fais l’effet d’un parfait égoïste, avec mes deux petites poules et mon potager, dont je fais partager les bienfaits à mes proches, tandis que des milliers d’autres doivent se contenter de ce qu’ils trouvent en magasin. Pour les moins favorisés, les produits Bio sont trop chers, et de toute façon cette filière donne ses premiers signes de perversion, capturée elle-aussi par l’hydre de l’industrie agro-alimentaire et commerciale.

Cruel et rusé, insatiable et sans pitié, le renard fripon est dans le poulailler. Il nous mangera jusqu’au dernier. J’en ai la chair de poule !

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