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Corne à virus

La pandémie au Covid-19 a complètement bouleversé nos points de repères. Tous les superlatifs sont bons pour qualifier une situation tout à fait surréaliste, inédite, inconcevable, où il faut se réinventer et s’adapter. Le confinement et la distanciation sociale exacerbent le besoin de contacts, de dialogues, de conversations, et les commentaires fusent dans toutes les directions. C’est une période très riche en émotions, une sorte de laboratoire des pensées où les ressentis des uns et des autres se mélangent et réagissent de manière fascinante. J’ai retenu pour vous quelques témoignages édifiants.

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Lola, trois ans et demi : La vérité sort de la bouche des enfants ! Lola a tout compris : le corrida-virus donne le « caca-vite », comme elle dit. C’est pourquoi les gens ont acheté plein de papier-WC. La diarrhée, la petite fille n’aime pas trop, car elle se fait disputer par sa maman quand elle arrive trop tard sur son petit pot. C’est ennuyant, et cela fait mal au ventre. Et puis, on peut en mourir, comme son chat Gizmo, vieux de quinze ans tout de même, que l’on a retrouvé à Noël tout aplati sous une vache. Après l’avoir autopsié, sa marraine Isa, vétérinaire, lui a expliqué que son chat souffrait de toute façon d’une « corne à virus » dans ses intestins. Lola et ses grandes sœurs l’ont enterré sous le grand rosier, au cimetière des animaux familiers, à côté du hamster et du cochon d’Inde. «  Toutes ces personnes qui meurent, on les enterre sous une fleur ? », a-t-elle demandé à sa Maman.

Isa, trente-six ans : Beaucoup de travailleurs font du télétravail. Isa fait du vété-travail. Son stock de masques chirurgicaux a fondu comme neige au soleil, car elle ne sait pas dire non quand on lui demande un de ces précieux accessoires. Pourtant, quand elle opère un animal, elle aussi risque sa vie et doit s’habiller comme un cosmonaute. Elle entre en contact avec de nombreux pathogènes -virus, bactéries, mycoplasmes- très dangereux, qu’elle doit absolument éviter. Vous n’avez jamais été mordu par un chat, griffé par un lapin ? Cela s’infecte très vite !

Le CoViD-19 est un virus très vicieux, comme tous les coronas, rappelle Isa. Ceux-ci provoquent des réactions dysimmunitaires chez les malades les plus atteints. C’est un peu comme si toutes les sirènes d’alarme hurlaient en même temps dans le corps, pour signaler des milliers d’incendies ; tous les systèmes d’arrosage s’ouvrent en même temps et noient les organes sans réelle coordination. Les reins, le foie, les poumons surtout, s’effondrent et s’enflamment dans un collapsus systémique fatal. Mais ce virus, au fait, comment est-il apparu ? Il est un peu « trop beau pour être vrai ». Chauves-souris, pangolins ? Bof… La Nature n’est pas méchante à ce point, pensez-vous ? Et ce laboratoire de microbiologie situé à Wuhan, précisément… Un apprenti sorcier aurait-il gaffé ? Le saura-t-on un jour ?

Marthe-Marie, quatre-vingt-cinq ans : Grand-Maman de Isa et Grany de Lola. La vieille dame vit seule et reçoit chaque jour la visite d’Isa, qui est préposée à sa « garde », même si elle n’aime pas ce mot. La vieille dame est très étonnée par le confinement. Le seul confinement qu’elle ait connu s’est déroulé dans la cave à pommes de terre de ses parents, durant quinze jours en hiver ’44, un enfermement beaucoup moins confortable que celui-ci… Elle a connu plusieurs épidémies, et à chaque fois, les autorités ont laissé la nature s’en donner à cœur joie, sans s’émouvoir outre mesure. Ainsi, fin des années cinquante, il y eut la « grippe asiatique », qui aurait causé la mort de quatre millions de personnes dans le monde, puis lors de l’hiver 1968-69, la « grippe de Hong-Kong », et son million et demi de décès recensés. Décidément, la corne à virus est bien implantée en Chine ! Elle se rappelle, en février 1969 (ou était-ce en mars ?), avoir assisté dans son village à huit enterrements de personnes dites « âgées » (entre soixante et septante-cinq ans). À la messe, on toussait, éternuait, se mouchait bruyamment dans un grand mouchoir à carreaux que l’on secouait, puis on s’embrassait auprès de la tombe. Il régnait une sorte de fatalité, comme si la mort était une compagne de vie encombrante, détestable mais inévitable. La guerre n’était pas loin dans les mémoires, avec sa cohorte innombrable de tués, de massacrés, de gazés. Alors, vous comprenez bien, une bonne grippe et quelques décès n’impressionnaient personne…

Noël au balcon, Pâques au Covid. En avril 2020, Marthe-Marie regarde la télevision pour passer son temps. Pourquoi toutes ces jeunes dames et tous ces jeunes hommes se plaignent-ils de devoir garder leurs deux ou trois enfants ? La vieille paysanne s’est mariée à 22 ans. À 35 ans, elle avait huit enfants, et s’en occupait toute seule, ainsi que de sa belle-mère impotente, en plus du ménage et du travail à la ferme. Sans se plaindre ! Levée à 6 heures, couchée à 23 heures, et pas une minute à elle. Les jeunes d’aujourd’hui sont pourris gâtés, toujours à songer aux folies (sic), à s’amuser, à « rouler les routes », à s’empiffrer au restaurant, à partir en vacances, à dépenser leurs sous sans rien mettre de côté. Ils placent leurs vieux parents dans des hospices (des « maisons de repos… éternel »). Les voilà bien attrapés, ces garnements : ils sont punis par où ils ont péché.

Marthe-Marie n’a jamais gardé sa langue en poche ; elle est adorable, mais intraitable. Fasse le Ciel que le coronavirus oublie de lui rendre visite…

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